
L’article au vitriol de Cherfaoui Mohamed, publié par Le Matin d’Algérie, s’attaque avec un ton aussi condescendant qu’indigné au président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.
Sous couvert d’une indignation postcoloniale recyclée à la hâte, ce texte s’apparente à un enchaînement de jugements subjectifs, d’anachronismes forcés et de procès d’intention. Il est donc impératif de rétablir certains faits et de remettre en contexte une scène diplomatique qui, bien loin de l’humiliation décrite, illustre au contraire la finesse et la retenue stratégique d’un homme d’État aguerri.
Une scène interprétée avec malveillance
Ce que l’auteur qualifie d’“alignement colonial” relève d’une interprétation purement fantasmée d’un échange diplomatique avec le président américain Donald Trump, figure connue pour ses méthodes abruptes, son imprévisibilité, et un style personnel qui n’épargne aucun chef d’État — y compris ceux des grandes puissances occidentales. Il n’a pas, en l’occurrence, dérogé à son attitude habituelle : parler fort, interrompre, diriger la scène comme un show télévisé.
On le voit, Donald Trump n’est pas un parangon de délicatesse. À de nombreuses reprises, il a interrompu ses homologues lors de rencontres internationales, n’hésitant pas à couper la parole à certains des dirigeants les plus en vue. Emmanuel Macron, Justin Trudeau, Angela Merkel ou encore Shinzo Abe ont eux aussi expérimenté à leurs dépens son style bien particulier de poignée de main, souvent perçu comme dominateur.
L’épisode le plus embarrassant reste sans doute celui de mars 2017, lors de la visite d’Angela Merkel à la Maison-Blanche. Sous l’insistance des photographes qui réclamaient une poignée de main symbolique entre les deux dirigeants, la chancelière allemande s’est tournée vers Donald Trump pour lui en proposer une. Celui-ci l’a simplement ignorée, laissant la scène suspendue dans un silence gênant.
Accuser Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani de s’être “effacé” dans une situation similaire relève donc de la mauvaise foi pure. Le président mauritanien, homme mesuré et respectueux des formes, a délibérément évité une confrontation stérile avec un interlocuteur dont l’arrogance n’est plus à démontrer. Il a su préserver la dignité de son pays avec un calme souverain et une parole mesurée.
L’usage subtil de la retenue
Contrairement aux raccourcis de Cherfaoui Mohamed, Ghazouani n’a nullement failli dans son expression. Il s’est exprimé dans un français sobre, mais clair et intelligible, avec la pondération qui le caractérise. Et c’est précisément cette modestie linguistique — loin de toute ostentation oratoire — qui confère à ses propos une force discrète, renforcée par l’usage délicat de figures d’atténuation, typiques des discours diplomatiques dans les contextes délicats.
En affirmant :
« La Mauritanie est un petit pays par sa démographie, un petit pays par son niveau de prospérité, mais un grand pays par sa position stratégique et la richesse de son sous-sol »,
Ghazouani répond, sans les nommer, à ceux qui, de manière récurrente, réduisent notre pays à sa seule taille apparente. Depuis la tribune de la Maison-Blanche, il adresse un message indirect mais ferme : malgré sa modestie apparente, la Mauritanie mérite considération et respect. Par la même occasion, il invite ceux qui la sous-estiment à reconsidérer leurs jugements.
Ghazouani n’a pas “rendu sa voix sans lutte”. Il a, au contraire, choisi de transmettre son message sans théâtre inutile, conscient que, dans certaines arènes, le silence maîtrisé vaut mieux qu’un cri stérile. Ce que d’aucuns interprètent comme de la candeur est, en réalité, une stratégie discursive sobre mais efficace.
Une personnalité forgée par la modestie et la fermeté
Ceux qui connaissent le parcours de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani savent que son humilité n’est en rien une faiblesse, mais bien une valeur fondatrice. Éduqué dans la rigueur, formé dans la discipline militaire, il incarne ces hommes de devoir qui privilégient l’action discrète à la posture théâtrale. Sa réserve ne saurait être confondue avec une quelconque soumission, et sa modération verbale ne signifie en rien une abdication de la souveraineté.
Ghazouani a démontré, à de nombreuses reprises, tant sur la scène intérieure qu’internationale, sa capacité à défendre avec fermeté les intérêts de la Mauritanie. Qu’il ait choisi, dans ce cas précis, un langage diplomatique feutré plutôt qu’un affrontement spectaculaire est le signe d’une maturité politique affirmée, non d’un effacement.
Une critique aveugle et condescendante
Cherfaoui Mohamed projette sur cet épisode une grille de lecture saturée de fantasmes postcoloniaux mal assumés. Il construit une mise en scène victimaire dans laquelle il transforme une séquence diplomatique normale en une prétendue tragédie de soumission symbolique. Plus grave encore : il fait reposer toute la “dignité africaine” sur une simple interaction verbale, posture aussi réductrice qu’insultante pour les peuples africains eux-mêmes.
Accuser un président africain d’avoir “validé son effacement” simplement parce qu’il n’a pas réagi à une provocation par une surenchère verbale, c’est méconnaître à la fois les codes de la diplomatie, la stratégie politique et le respect des formes. C’est, en somme, une posture d’analyste du dimanche, plus soucieuse de faire vibrer les claviers des réseaux sociaux que de comprendre la subtilité d’un échange entre deux logiques politiques diamétralement opposées.
La dignité dans la mesure
En conclusion, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani n’a ni cédé, ni capitulé. Il a su — avec calme, dignité et une retenue toute mauritanienne — faire entendre la voix de son pays dans un cadre difficile, face à un interlocuteur peu sensible à la nuance. Dans une époque saturée de bruit et d’outrance, choisir la mesure et la dignité relève d’une véritable élégance diplomatique. Et cela mérite d’être salué, non moqué.
L’histoire ne jugera ni le volume d’un discours, ni la violence d’un geste, mais bien la clarté d’une vision, la constance d’un engagement et la dignité avec laquelle un homme incarne son pays.
Ghazouani, lui, peut marcher la tête haute.
Et c’est justement ce que certains peinent à lui pardonner.
Mohamed Vall Ahmed Tolba